Introduction

Le dessin d'architecture a été longtemps considéré sous son seul aspect technique, celui d'un préliminaire à la construction.

"Souvent austère, d'une forme parfois insolite ou abstraite par son dépouillement géométrique, le dessin d'architecture est peut-être la structure la plus intellectuelle de l'art graphique. Il nécessite l'intervention d'un nouveau code de lecture : le déchiffrement du plan, de la coupe ou du profil d'un édifice s'effectue grâce à l'analyse, mais aussi à l'imagination, car le spectateur doit recomposer mentalement ces détails par rapport à l'ensemble du bâtiment. La rigueur de tels projets, et leur aspect technique, imposent un langage qui leur est particulier" (1).

Les représentations en perspective exprimées au trait, au lavis ou à l'aquarelle sont en revanche facilement accessible à tous.

Les dessins d'architectes ont néanmoins toujours suscité l'intérêt de quelques érudits et de rares amateurs d'art. On a tendance de nos jours, et cette approche est récente, à voir en eux une expression d'art, au sens beaux-arts, à l'égal des dessins de peintres ou de sculpteurs. En outre, en tant que documents ces dessins intéressent au premierchef les historiens de l'architecture qui sont de plus en plus nombreux à étudier des monuments existants, disparus ou simplement projetés et leurs auteurs.

Il importe de saisir le grand intérêt qui s'attache aux études préalables. Elles permettent de suivre la naissance du projet et de saisir l'intention de l'artiste à sa source. Depuis longtemps on conserve les manuscrits des écrivains célèbres, les esquisses des peintres et les partitions originales des musiciens. Cette conservation a permis d'approfondir toujours plus la connaissance de ces artistes et de ces écrivains en même temps que leurs oeuvres faisaient l'objet d'exégèses de plus en plus poussées. Qu'il en soit dorénavant ainsi pour la production architecturale.

Les avant-projets et les projets ont de meilleures chances de survivre.

Les dessins et documents témoignant de l'activité architecturale du 19ème et du 20ème siècle qui subsistent encore aujourd'hui et que nous nous efforçons de rassembler et de conserver, ne représentent qu'une infime partie de ce qui a été effectivement produit.

Lorsqu'un architecte change de domicile, prend sa retraite ou meurt, l'activité de son agence cesse le plus souvent et ses archives sont alors dispersées. Certains, la responsabilité décennale étant éteinte, détruisent eux-mêmes leurs archives. Le temps et les hommes se chargent d'éviter l'encombrement. Souhaitons que ce que nous pouvons néanmoins recueillir contribue à représenter l'évolution architecturale.

Le dessin d'architecture a plusieurs origines. Il peut être issu de la main de l'architecte qui le signe ou non. Nous le considérons comme un autographe lorsque nous sommes certains qu'il en est bien ainsi. Très souvent, c'est une production d'agence, le patron est entouré de collaborateurs qui ont leurs qualités et leurs goûts propres. Néanmoins, ces derniers cherchent à exprimer l'architecture de celui qui les emploie. Le patron a donné un croquis, apporté ses corrections et approuvé. Bien que sous sa signature ou sa responsabilité, c'est une oeuvre d'atelier. Il en a été longtemps de même pour les peintres. Le temps n'étant pas très éloigné, on sait, par exemple, quel est le nom de celui qui, à l'agence d'Auguste Perret, exécutait tel ou tel dessin. Pour les périodes un peu anciennes, les pistes se brouillent, les attributions se compliquent, justifiant de nombreuses polémiques selon qu'on donne la préférence à un chef d'agence ou à un autre dans la responsabilité d'un projet.

Enfin nous constatons que les projets sont des documents éphémères qui, dans l'esprit des architectes, ne doivent pas être conservés après la réalisation de l'oeuvre. Ceux qui nous parviennent ont souffert du manque de soins ou du caractère fragile de leur support.

S'il est encore une production fragile, c'est bien l'objet architectural lui-même, apparemment solide, construit pour déjouer l'action des siècles. Nous voyons en effet qu'il est le plus souvent transformé et, de ce fait, dénaturé. Le programme donné à son origine ne répond plus aux conditions présentes. Le changement de destination est fréquent qui appelle des adaptations ; un monastère devient un hôtel-de-ville, une gare : un musée. Il est aussi plus ou moins rapidement détruit pour faire place à une autre destination du sol. Ce qui traverse le temps intact est l'exception. Le dessin en reste le témoignage le plus éloquent.

Dans un ensemble relatif à un bâtiment, à une série de bâtiments, à l'oeuvre complet d'un architecte, ces documents graphiques permettent de retrouver l'enchaînement des idées qui, partant des croquis d'intention, aboutit à la réalisation. Pris séparément, ils peuvent servir de preuves pour dater les constructions et en identifier les auteurs. Il arrive souvent qu'ils permettent d'apprécier les concepts de style sur lesquels s'est fondé l'architecte mieux que ne le feraient l'oeuvre réalisée, cette dernière résultant de compromis de tous ordres : pécuniaires, caprice du maître de l'ouvrage, modification du programme en cours de route pour aboutir à cette réalisation et souvent, nous l'avons dit, à des transformations.

Combien de projets sans suite les architectes sont conduits à produire, soit que le client ait renoncé à poursuivre, soit que le concours n'ait pas été récompensé, soit que la proposition venant de l'architecte lui-même n'ait retenu l'attention de personne. Il en va de même pour les projets d'école. Tout cet ensemble constitue ce qu'on appelle parfois "l'architecture de papier". De tels documents ont une grande valeur pour l'historien, comme pour l'amateur d'art, parce qu'ils permettent d'apprécier les conceptions de l'architecte et ses références. Ces études contribuent aussi à cerner le goût d'une époque et l'évolution du style.

Poussant plus loin, le papier supportant tout, c'est bien connu, nous aboutissons aux fantaisies architecturales qui n'ont d'autre dessein que d'exprimer un rêve ou une utopie. Sait-on jamais ? Ces fantaisies, l'évolution du goût et des techniques jouant, peuvent à un moment donné devenir une source d'inspiration pour un architecte très rationnel qui les interprétera. Chimériques ou réalisables, elles peuvent être aussi le délassement, la part de rêve, pour celui qui ne trouve pas à s'exprimer complètement à travers la "commande".

Une dernière catégorie rassemble les représentations des monuments anciens. Croquis de voyage au crayon, à la plume, à l'aquarelle, relevés géométraux d'édifices entiers ou de détails d'architecture, reconstitution d'ensembles monumentaux, "envois" des pensionnaires de l'Académie de France à Rome, "envois" au "Salon". C'est le constat à un moment donné de l'état d'un monument qui peut aider à sa compréhension ou à sa restauration.

Au fur et à mesure que conférences et expositions se multiplient pour présenter à un public toujours plus large et plus curieux les architectures du siècle passé et leurs auteurs, une prise de conscience se manifeste chez certains responsables d'organismes publics ou semi-publics aboutissant à l'intention de constituer ce qui seraient vraiment les archives de l'architecture. L'exemple donné à Bruxelles par la création des "Archives de l'architecture moderne" a été stimulant. A l'instar de nombreux pays, la France se propose d'ouvrir un musée de l'Architecture.

Ce sont là des projets très difficiles à réaliser en raison de la masse énorme et toujours renouvelée des fonds à recevoir, à conserver, à cataloguer, à restaurer, à rendre accessibles. Devant l'impossibilité de tout recueillir, il conviendrait d'opérer des choix portant sur la totalité des documents provenant d'agences d'architectes parmi les plus représentatives de leur temps et du mode d'exercice de la profession. C'est la politique que nous poursuivons.

En attendant la constitution d'un organisme centralisateur, il faut agir dès maintenant, car des fonds importants se perdent. Il apparaît que cette conservation ne peut être assumée que par le concours coordonné et organisé de tous ceux qui ont vocation à le faire. Ce n'est pas ici le lieu de les désigner. Toutefois, je ne peux m'empêcher de faire exception pour deux d'entre eux, la collection de documents, de dessins d'architecture et de construction constituée au Centre national des Arts et Métiers par Jean-Baptiste Ache et la fondation Le Corbusier qui groupe toute la production de cet architecte y compris ses moindres croquis et tous ses textes.

Il existe pour la réunion de documents, reflétant tous les aspects énoncés précédemment, des précédents fameux.

La collection Tessin à Stockholm a été formée au 18ème siècle par l'ambassadeur en France de ce nom, qui a acquis dans les cabinets d'architectes parisiens tous les dessins qu'il a pu pour fournir des modèles aux architectes suédois. On ne peut traiter de l'architecture française au 18ème siècle sans y recourir.

La comparaison s'établit aussi avec la collection de l'Institut royal des architectes britanniques (R.I.B.A.) commencée en 1834, surtout développée à partir de 1950, riche actuellement de plus de 250.000 dessins.

Le Centre canadien d'architecture, nouvellement fondé, s'est donné aussi pour mission de rassembler les archives d'architectes canadiens contemporains ainsi que des dessins et des photographies anciennes d'architecture. Son fonds est déjà très substantiel.

En France, il faut citer les collections de la bibliothèque de l'Ecole nationale supérieure des beaux-arts de Paris, du Cabinet des dessins du musée du Louvre, du Cabinet des estampes et des dessins de la Bibliothèque nationale, de l'Union centrale des arts décoratifs, du ministère de la Culture (direction du Patrimoine) et tout récemment du musée du 19ème siècle dit d'Orsay.

Mandaté par le premier ministre et par le président de la République en 1979 pour établir un rapport tendant à la constitution des archives de l'architecture, Michel Massenet, conseiller d'Etat, alors président de la Caisse nationale des Monuments historiques et des Sites, écrivait :

"... La meilleure approche en ce qui concerne le recueil de ces archives, dans la mesure où il doit demeurer soumis au principe du volontariat, est certainement d'ordre professionnel. Cette démarche peut s'accomplir au nom des liens "corporatifs", de la compétence technique, ou d'une sorte de légitimité historique. Un exemple de tentative fondée sur la "filière professionnelle" nous est donné par l'Académie d'Architecture, organisme privé héritier de la Société centrale des Architectes (...) Bien placée pour solliciter des dons des héritiers de ses anciens membres, l'Académie développe rapidement, et selon des critères très précis, ses précieuses collections en direction des témoignages de la création moderne."

En effet, cette action résulte d'une déjà longue tradition. Dès 1843, la Société Centrale des Architectes s'est attachée à constituer une bibliothèque par achats, mais surtout par les dons que lui faisaient ses membres. Le premier catalogue en fut établi en 1898 par Frantz Jourdain. Elle comprenait alors l'essentiel des publications sur l'architecture - livres et revues - parus au 19ème siècle. Progressivement, elle reçut des dessins originaux de ses membres. Elle commença à réunir des médailles, des gravures et des photographies relatives à l'architecture et aux architectes. Charles Nizet, un de ses archivistes, entreprit dès 1906 une politique d'acquisition à titre onéreux ou en suscitant des dons. C'est lui qui acquit, en vente publique, l'important ensemble des dessins d'Hector Horeau.

En 1962, grâce à Claude Le Coeur, alors archiviste de notre compagnie, une partie très importante de la bibliothèque de la famille Destailleur, acompagnée des albums contenant les oeuvres (dessins originaux et photographies) de cette dynastie d'architectes, nous a été donnée.

En 1976, préalablement à la tenue de l'exposition commémorant le centenaire de la mort d'Henri Labrouste - et pour y contribuer - Madame Yvonne Labrouste nous donna une première fois l'essentiel de ce qu'elle possédait encore des oeuvres du grand-père de son mari (3). Elle compléta ce don extrêmement généreux quelque temps plus tard par tout ce qui pouvait se rapporter à la carrière de notre ancien président. Ce fonds comprend des envois de Rome, des relevés de monuments italiens de l'antiquité et de la Renaissance, les plans de ses hôtels et monuments commémoratifs, l'ensemble de sa bibliothèque, ses archives manuscrites formées de sa correspondance, de ses rapports et de tous les documents officiels et autres marquant les étapes de sa carrière, plus un certain nombre d'objets personnels se rapportant à cette dernière. A cela s'ajoutent des plans et documents significatifs sur la carrière de Léon, fils du précédent, et quelques dessins de Théodore, son frère, lui-même Grand-Prix de Rome. S'ajoutait enfin un lot de dessins et aquarelles de monuments italiens d'Adolphe Goujon, architecte allié de la famille.

Pour compléter des séries de dessins relatifs souvent à un même monument, séries qui avaient été scindées au moment du partage successoral, notre collègue Léon Malcotte- Labrouste, arrière-petit-fils d'Henri, a bien voulu déposer ce qu'il avait reçu en héritage à l'Académie afin de permettre une étude plus exhaustive de la vie et de l'oeuvre de son ancêtre.

C'est grâce à Madame Antoinette Boutterin que nous avons recueilli le fonds Bouwens van der Boijen.

Les fonds du 20ème siècle, qui feront l'objet du catalogue suivant sont importants et complets tant en pièces dessinées, photographiques qu'écrites. Il en est ainsi, notamment, pour Léon Jaussely, Henry Prost, Maurice Boutterin, Roger Expert, Jean Niermans, Marcel Lods, Henry Bernard, Michel Andrault et Pierre Parat. Nous abordons avec eux l'urbanisme contemporain.

Il est maintenant de coutume de demander à tout nouveau membre de notre compagnie de recueillir tout ce qu'il peut obtenir dans ce domaine de la famille de celui qu'il est appelé à remplacer et à offrir, au moment de son installation, quelques dessins représentatifs de son oeuvre. En fin de carrière, certains membres complètent ce don par les dessins et les photographies de ce qu'ils estiment avoir réalisé de meilleur.

Nous recueillons aussi par le concours de nos membres ce qui se rapporte à l'enseignement de l'architecture, aux manifestations de l'ancienne Ecole des Beaux-arts, aux patrons d'atelier, contribuant ainsi à fonder une étude sociologique de cette catégorie d'artistes.

Il convient d'être aux aguets pour accueillir ce qui le mérite. Sans cette vigilance ponctuelle, beaucoup de documents essentiels pour l'histoire de l'architecture seraient perdus. Il est bien évident qu'il existe déjà une dispersion impossible à faire cesser, mais qui, par ailleurs, répartit les risques de destruction. Il faut que les dessins et les documents en général, relatifs à une même époque, à un même architecte et à son école, à un même bâtiment, puissent être rapprochés facilement, d'où l'urgence qu'il y a à établir des catalogues systématiques.

Sollicitée par de nombreux organismes officiels pour des prêts à des expositions, consultée par lettres ou lors de visites par des chercheurs de plus en plus nombreux, dont beaucoup se rattachent à des universités américaines, l'Académie a estimé que ce serait oeuvre utile que de publier - à l'instar du R.I.B.A. - le catalogue de ses collections. Oeuvre assez considérable, elle s'attache, dans un premier tome à exposer les dessins et documents couvrant une période qui va du dernier quart du 18ème siècle au début du 20ème siècle.

En tenant compte du parcours de formation de l'architecte et des différents aspects de son activité professionnelle, nous proposons un classement dans lequel tous les dessins de notre collection peuvent être regroupés.

Les dessins antérieurs à 1800

Ils sont encore très peu nombreux ; nous détaillons : un candélabre du peintre Jean-Charles Delafosse (1734-1789), un projet de catafalque en mémoire de Louis XV, vu sur deux faces, par Charles Michel-Ange Challe (1718-1778), une très belle vue intérieure du Panthéon de Rome par Jean-François Chalgrin (1739-1811) et de Jacques-Germain Soufflot (1713-1780), un dessin lavé représentant, en plan et en élévation, le monument de la comtesse Mathilde de Toscane à Saint-Pierre de Rome commandé par Urbain VIII au Bernin, en 1633. De Charles Percier (1764-1838), nous possédons le relevé des fragments antiques conservés à la Villa Albani à Rome.

Deux albums sont à mentionner : le premier d'Augustin Caristie contient des dessins de monuments et de maisons remarquables exécutés lors de son séjour à Rome au début du siècle. Le second provient du fonds Labrouste. Il s'agit d'un projet de reconstruction du château de Marly par un architecte, qui n'a pas encore été identifié, de la fin du 18ème siècle.

Les plans du lycée de Turin établis le 20 frimaire de l'an XII (12 décembre 1803) par L. Lombard, alors que cette ville était le chef-lieu d'un département français, dans le style des dessins d'architecture de la fin du 18ème siècle, nous servira de transition.

Les projets de l'Ecole - tout à tour royale, impériale et nationale des beaux-arts du 19ème siècle

Ils comprennent l'étude des ordres, les esquisses d'admission, les concours d'émulation, les grands concours comme le Labarre, le Delaon, le Chenavard, "l'Américain", et toutes les étapes conduisant au Grand Prix de Rome.

L'Académie d'Architecture possède de nombreux projets scolaires réalisés dans les différents ateliers des beaux-arts de Paris au 19ème siècle.

Les relevés d'architecture antique, médiévale ou moderne. Les reconstitutions de monuments ou d'ensembles disparus. Les dessins de voyage, du croquis à l'aquarelle.

Le voyage en Italie

La connaissance des monuments de l'Antiquité romaine, mais aussi ceux de la Renaissance qui en dérivent, est le but de nombreux architectes qui entreprennent le voyage en Italie. Chaque année, le lauréat du Grand Prix de Rome est envoyé officiellement en Italie comme pensionnaire de l'Académie de France. Malgré les difficultés innombrables inhérentes à un tel voyage et ses dépenses, certains autres entreprennent ce voyage de leur propre initiative. Ces hommes de l'art se sont exprimés par le dessin de relevés et de reconstitutions. D'autres se sont contentés de croquis et d'aquarelles pour matérialiser leur souvenir, comme aujourd'hui on prendrait des photographies.

Les envois de Rome

Le premier Grand Prix séjournait de quatre à cinq ans à l'Académie de France à Rome et devait adresser chaque année à l'Académie des beaux-arts un relevé très soigné d'architecture ancienne. La première année, c'était la mise en valeur d'un détail : chapiteau, frise, tombeau, pour aboutir en quatrième année au relevé d'un très grand ensemble monumental et à sa restitution. La cinquième année, le pensionnaire s'exprimait sur un sujet de son choix.

Les éléments d'architecture relevés furent d'abord pris à Rome, puis la recherche s'est étendue à l'Italie, a gagné la Grèce, et enfin le moyen-orient.

L'Ecole des beaux-arts conserve, parmi les envois de quatrième année, les planches prescrites par l'Académie des beaux-arts. D'autres dessins complétant ces séries sont restés entre les mains des anciens pensionnaires et quelques-uns nous sont parvenus par l'intermédiaire de leurs héritiers.

A titre d'exemple, l'Académie d'Architecture possède des envois de 1ère, 2ème ou 3ème années oeuvres de Marcel Lambert, d'Henri Labrouste, d'Hector Lefuel.

Le voyage en Grèce

Rares sont ceux qui ont pu y aller avant la seconde moitié du 19ème siècle. De cette période, citons de Louis-Alfred Chaudet (1812-1891) un superbe relevé aquarellé de la face côté propylées de l'acropole d'Athènes, daté de 1845, montrant l'état de l'accès avant la découverte de la porte Beulé, ainsi qu'une perspective aquarellée du temple grec de Corinthe. D'Alfred Normand, nous possédons un album de voyage d'Athènes à Salonique (1851) comportant de nombreux dessins, d'autant plus intéressants qu'ils représentent des édifices existant au temps de la domination ottomane.

Le voyage en France et en Europe

Charles Rohault de Fleury (1801-1875), auteur des premières serres du Jardin des Plantes, a beaucoup voyagé ainsi que son fils Georges (1835-1905) ; leurs 28 albums et carnets de croquis souvent très poussés en témoignent. Eux aussi sont allés en Italie : 12 carnets s'échelonnant de 1842 à 1870 contiennent leur moisson : Venise, Padoue, Vicence..., un carnet entier sur Rome. La Suisse les a aussi particulièrement intéressés puisque, de leur voyage de 1852, ils ont rapporté trois albums et un carnet de croquis de chalets. Ils ont visité la Belgique (1848), l'Allemagne (1852 et 1857), l'Angleterre (1851), mais la France a retenue aussi toute leur attention ; plusieurs carnets en font foi entre 1846 et 1855. Un album entier est consacré à Paris et contient de fort belles aquarelles.

Les relevés de monuments historiques

Exécuter de tels relevés n'était pas réservé aux architectes officiellement chargés de l'entretien et de la restauration des monuments historiques dont les documents sont conservés et mis en valeur à la direction du patrimoine au ministère de la Culture. Beaucoup d'architectes ont réalisé des relevés de monuments qu'ils admiraient tout particulièrement et qui étaient destinés à figurer aux salons annuels dans la section d'architecture. Tels sont les relevés d'un hôtel à Blois par Léon Vaudoyer, du château de Nantes par Joseph Deverin.

Les projets d'architecture concernant des oeuvres réalisées ou non

Si les croquis d'intention et de recherche de parti sont assez rares dans nos collections du 19ème siècle, nous possédons par contre de nombreux projets, dessins rendus avec le plus grand soin et presque toujours en couleur, parmi lesquels nous en citerons un d'une grande perfection de Percier (1764-1838) et Fontaine (1762-1853) pour la cheminée du grand cabinet de Napoléon Ier aux Tuileries ou le projet qui sera exécuté de 1823 à 1837, de l'église Notre-Dame-de-Lorette à Paris, par Hippolyte Lebas (1782-1867).

Le fonds de dessins d'Hector Horeau a fait l'objet d'une recherche réalisée dans le cadre d'un contrat avec le Comité de la recherche et du développement en architecture (C.O.R.D.A.). Il a permis de réaliser une exposition au musée des arts décoratifs, qui a donné lieu à un important catalogue. J'ai complété l'étude de la vie et de l'oeuvre de cet architecte dans un ouvrage, Horeau précurseur, publié par l'Académie d'Architecture en 1981 (4).

Citons encore, finement rendue en couleur, un dessin de l'esplanade des Invalides, de part et d'autre de laquelle Alphonse Crépinet (1826-1892) projette en 1870, dans le cadre d'un concours public, de regrouper les ministères et une très belle coupe aquarellée de Ernest Coquart (1831-1902) pour l'installation en 1872 du musée des moulages dans la cour couverte du palais des études à l'Ecole des Beaux-Arts.

Parmi les édifices privés, les hôtels particuliers parisiens du 19ème siècle prennent une place de choix. Nous retiendrons particulièrement d'Henri Labrouste, les hôtels parisiens Rouvenat et Vilgury, puis par Ferdinand Gaillard (1836-1912), le célèbre hôtel Yturbe (1886-1889), avenue du bois de Boulogne, aujourd'hui démoli.

De William Bouwens van der Boijen (1834-1907), l'Académie possède un certain nombre d'oeuvres majeures comme les décorations intérieures très finement coloriées pour l'hôtel Vanderbilt à Newport (U.S.A.), les plans de l'immeuble 27 quai d'Orsay et des éléments de décoration intérieure de l'hôtel qu'il s'était construit 8 rue du Lota, tous deux à Paris.

Les oeuvres d'imagination et les utopies architecturales

Edmond Corroyer (1835-1904) a projeté une résidence royale, balnéaire, tout à fait imaginaire, en un plan et trois grandes élévations gouachées. Un architecte s'envole dans l'insolite : "Fantaisies architecturales", c'est le titre qu'Henri Mayeux (1845-1929) donna à son recueil, dont il nous reste 14 dessins originaux et cocasses.

Détails d'architecture

On peut citer parmi ces derniers des études coloriées très abouties, travaux d'élève à l'école centrale des arts et manufactures et à l'Ecole des beaux-arts, par Eugène de Crémont (1821- ?) relatives à la coupe de pierre et à la charpente.

Photographies anciennes

Certaines sont des reproductions de dessins originaux aujourd'hui disparus, mais d'autres montrent des édifices du 19ème siècle tels que les ont vus des grands noms de l'histoire de la photographie. On peut citer de James Robertson deux vues du palais de la Dolmabahce à Constantinople prise en 1855 et d'autres oeuvres de ce photographe conservées par Alfred Normand.

Manuscrits, médailles, effigies et objets personnels d'architectes

En même temps que des textes importants pour l'histoire de l'architecture, nous possédons des devis, des rapports, des lettres ou des signatures autographes des plus grands architectes du 19ème siècle. L'ensemble des archives d'Henri Labrouste relatives à son enseignement et à ses travaux constitue une source privilégiée pour la connaissance de cet architecte et l'appréciation de son influence.

Notre collection de médailles a pour objectif de commémorer les monuments insignes, les architectes célèbres ou simplement renommés, les théoriciens et historiens de l'architecture, les sociétés d'architectes et les professions du bâtiment. Il s'y ajoute, dans la limite des dons qui nous sont faits, les bustes en marbre, en bronze, terre cuite ou plâtre et les portraits à l'huile d'architectes célèbres. La série des photographies d'architectes est importante.

Une collection n'est jamais complète, chacune des catégories décrite précédemment demande à s'étoffer. Que ce catalogue soit un appel à de tels compléments. Qu'il contribue, par lui-même et en suscitant l'émulation, à la sauvegarde d'un élément dorénavant important de notre patrimoine. Que soit ainsi sauvée notre mémoire de l'architecture.

Paul DUFOURNET Conservateur de l'Académie d'Architecture


Notes

(1)

Dessins d'architecture du XVème au XIXème siècles.

Catalogue de l'exposition du Cabinet des dessins du Louvre, 1972, Introduction.

(3)

Exposition Henri Labrouste organisée par l'Académie d'Architecture et la Caisse nationale des Monuments historiques et des sites, hôtel de Béthune-Sully, 1976.

Catalogue extrait de la Revue des Monuments historiques.

(4)

HECTOR HOREAU (1801-1872). Etude conduite à l'Académie d'Architecture sous la direction de Paul Dufournet (contrat C.O.R.D.A.). Catalogue des dessins et des oeuvres figurées de cet architecte par Paul Dufournet, Françoise Boudon et François Loyer, supplément au n° 3 des Cahiers de la recherche architecturale. Exposition au musée des Arts-Décoratifs, 1979, préparée par les deux derniers signataires du catalogue et Pierre Granveaud. Paul DUFOURNET, Horeau précurseur. Idées, techniques, architectures, Académie d'Architecture, Actualités, Paris, Ch. Massin éd. 1981.

Collections du 19e

Collections du 20e

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Contact

La consultation des dessins se fait exclusivement sur demande et sur rendez-vous auprès de l’historienne de l’architecture Marilena Kourniati, responsable de la collection : archives@academie-architecture.fr